Parmi les expositions les plus époustouflantes de la saison, on y classera indubitablement « Sculpting the Senses »[1] sur la créatrice de mode néerlandaise, Iris van Herpen, au Musée des Arts Décoratifs de Paris, du 29 novembre 2023 au 28 avril 2024. La commissaire Cloé Pitiot expose une centaine d’œuvres de 2008 à 2023 en onze thématiques réparties sur deux étages du Musée. Le spectateur évoluera dans la découverte immersive d’un esprit de génie, qui multiplie beau par métamorphose, technique par microscopique et audace par incroyable. Le travail des organisateurs fut de sous-tendre tout une connexion de réseaux, que l’artiste se plaît à tisser autour de ses pièces en un axe charnière qu’est le corps, élément réflexif central dans la mode moderne, se déclinant également au pluriel chez Iris van Herpen, lorsqu’elle interroge les lois de la physique pour confectionner ses vêtements innovants.
C’est dans une confrontation perpétuelle entre nature et science que se construisent les lignes des robes van Herpen pour tendre vers un paradoxe : s’inspirer de la nature comme source première tout en utilisant la technologie. Portail entre immatériel et concret, cette dernière permet de dominer les éléments qui doivent se conformer aux règles du vêtement. Naquit ainsi le processus de la « Water Dress », l’une de ses premières fabrications marquantes comme d’autres s’ensuivront. Dans une interview, elle explique au sujet de la robe « Magnetic Moon » confectionnée avec Jolan van der Wiel :
« It was a non-controllable technique for me because I had control in the shape but I didn’t really have control in the texture. So in that sense I felt like I was collaborating with nature. Like I often go against nature, I try to manipulate [it] as much as possible. But here, I really let a part of my control go and that felt quite refreshing for me. »[2]
C’est dans une confrontation perpétuelle entre nature et science que se construisent les lignes des robes van Herpen pour tendre vers un paradoxe : s’inspirer de la nature comme source première tout en utilisant la technologie. Portail entre immatériel et concret, cette dernière permet de dominer les éléments qui doivent se conformer aux règles du vêtement. Naquit ainsi le processus de la « Water Dress », l’une de ses premières fabrications marquantes comme d’autres s’ensuivront. Dans une interview, elle explique au sujet de la robe « Magnetic Moon » confectionnée avec Jolan van der Wiel :
« It was a non-controllable technique for me because I had control in the shape but I didn’t really have control in the texture. So in that sense I felt like I was collaborating with nature. Like I often go against nature, I try to manipulate [it] as much as possible. But here, I really let a part of my control go and that felt quite refreshing for me. »[2]
À l’entrée du deuxième étage, l’oeil se perdra dans la multitude d’éléments accrochés aux murs de l’« atelier alchimique », cœur de ses réalisations issues de technologies de pointe multiples et variées, comme le moulage en silicone, l’impression 3D, le découpage au laser ou jet d’eau. La présence de microscopes à l’usage du visiteur, comme posés sur des tables de laboratoire, aident ainsi à entrer dans le cheminement de l’artiste à la fois chercheuse et expérimentatrice, elle valorise autant le processus que le résultat, sinon plus :
« The surprise factor in the process makes the value of the process. For me the process is more important than the outcome. It’s really the process of discovery that keeps me going. »[3]
Les corps microscopiques symbolisent cet univers de l’invisible où Iris van Herpen aime tant s’aventurer. Ce savoir-faire technique de la minutie, puisé dans l’observation de la nature et des micro-organismes, en fait une signature de sa couture, que l’on retrouve dans de nombreuses pièces, dont celles inspirées par Rogan Brown, artiste du papier découpé au scalpel et laser.
À l’entrée du deuxième étage, l’oeil se perdra dans la multitude d’éléments accrochés aux murs de l’« atelier alchimique », cœur de ses réalisations issues de technologies de pointe multiples et variées, comme le moulage en silicone, l’impression 3D, le découpage au laser ou jet d’eau. La présence de microscopes à l’usage du visiteur, comme posés sur des tables de laboratoire, aident ainsi à entrer dans le cheminement de l’artiste à la fois chercheuse et expérimentatrice, elle valorise autant le processus que le résultat, sinon plus :
« The surprise factor in the process makes the value of the process. For me the process is more important than the outcome. It’s really the process of discovery that keeps me going. »
[3]
Les corps microscopiques symbolisent cet univers de l’invisible où Iris van Herpen aime tant s’aventurer. Ce savoir-faire technique de la minutie, puisé dans l’observation de la nature et des micro-organismes, en fait une signature de sa couture, que l’on retrouve dans de nombreuses pièces, dont celles inspirées par Rogan Brown, artiste du papier découpé au scalpel et laser.
Différents types de corps sont donc convoqués, au centre le corps humain, sa place au sein de l’environnement changeant soulève des interrogations sur la possibilité de son avenir ou sur ses mutations. Le cabinet de curiosités, où tout semble s’être transformé sous la main d’Iris, questionne à la fois l’étrange, le fonctionnel et le temporel dans ce rapport entre corps et vêtement. Iris van Herpen voit le corps à l’image d’une nature toujours évolutive et aux surprises étonnantes, suppôt des plus belles transformations, elle célèbre l’ancien auteur latin des Métamorphoses en nommant ses créations « Ovidius » ou « Ars Amatoria ».
Ces tenues fluides, fondantes et liquides semblent protéger en douceur l’anatomie du corps, comme si, dans cette période de mutation où le doute pèse sur l’espèce, l’avenir et l’espace où se mouvra l’Homme de demain, il fallait tout au moins préserver sa forme naturelle originelle.
Des gouttes d’eau tortionnées, aux papillonnements minuscules ou aux croisements d’ondes sidérales, se déroule le panorama d’une pensée explosive d’où éclosent d’innombrables collaborations. Cette interrogation des limites de la mode prend la forme d’une exploration des corps physiques, de visites toujours renouvelées en territoires inconnus, qui éveillent l’inspiration de la créatrice. De l’artisanat avec le souffleur Bernd Weinmayer, à la peinture avec Shelee Carruthers, à la sculpture cinétique avec Casey Curran, au design et imprimerie 3D avec Nicholas Koscinski, Klarenbeek et Dros, à la composition musicale avec Salvador Breed, aux structures scientifiques comme l’Université de Delf ou aux organisations environnementales comme Parley For the Oceans, ainsi qu’aux côtés de nombreux autres, sans oublier son collaborateur fétiche indétrônable, Philip Beesley, Iris van Herpen s’approprie, transpose, leurs univers et techniques inédites à la perfection tout en sachant merveilleusement mettre en valeur leur travail.
Cette immersion dans son monde nous fait toucher au plus près son intuition artistique en exposant à la fois les travaux de ses inspirateurs et collaborateurs en miroir, ce qui leur rend à toutes et tous le plus grand des hommages par cet ensemble d’une belle complexité autant qu’il est intrigant et phénoménal.
Différents types de corps sont donc convoqués, au centre le corps humain, sa place au sein de l’environnement changeant soulève des interrogations sur la possibilité de son avenir ou sur ses mutations. Le cabinet de curiosités, où tout semble s’être transformé sous la main d’Iris, questionne à la fois l’étrange, le fonctionnel et le temporel dans ce rapport entre corps et vêtement. Iris van Herpen voit le corps à l’image d’une nature toujours évolutive et aux surprises étonnantes, suppôt des plus belles transformations, elle célèbre l’ancien auteur latin des Métamorphoses en nommant ses créations « Ovidius» ou « Ars Amatoria ».
Ces tenues fluides, fondantes et liquides semblent protéger en douceur l’anatomie du corps, comme si, dans cette période de mutation où le doute pèse sur l’espèce, l’avenir et l’espace où se mouvra l’Homme de demain, il fallait tout au moins préserver sa forme naturelle originelle.
Des gouttes d’eau tortionnées, aux papillonnements minuscules ou aux croisements d’ondes sidérales, se déroule le panorama d’une pensée explosive d’où éclosent d’innombrables collaborations. Cette interrogation des limites de la mode prend la forme d’une exploration des corps physiques, de visites toujours renouvelées en territoires inconnus, qui éveillent l’inspiration de la créatrice. De l’artisanat avec le souffleur Bernd Weinmayer, à la peinture avec Shelee Carruthers, à la sculpture cinétique avec Casey Curran, au design et imprimerie 3D avec Nicholas Koscinski, Klarenbeek et Dros, à la composition musicale avec Salvador Breed, aux structures scientifiques comme l’Université de Delf ou aux organisations environnementales comme Parley For the Oceans, ainsi qu’aux côtés de nombreux autres, sans oublier son collaborateur fétiche indétrônable, Philip Beesley, Iris van Herpen s’approprie, transpose, leurs univers et techniques inédites à la perfection tout en sachant merveilleusement mettre en valeur leur travail.
Cette immersion dans son monde nous fait toucher au plus près son intuition artistique en exposant à la fois les travaux de ses inspirateurs et collaborateurs en miroir, ce qui leur rend à toutes et tous le plus grand des hommages par cet ensemble d’une belle complexité autant qu’il est intrigant et phénoménal.
[1] Le Musée propose en traduction « Sculpter les sens », qui ne convient guère car elle omet une partie de la polysémie du terme « sense » en anglais, dont celle de « sensation ». Puisque l’exposition est française, on aurait aimé un titre français.
[2] Propos, adaptés à l’écrit, de la conférence « Iris van Herpen : In Her Own Words », Eugene Rabkin, Royal Ontario Museum, « Rom Speaks », 30 mai 2018 https://www.youtube.com/watch?v=tIsH6xc8Zu8&ab_channel=RoyalOntarioMuseum
[3] Ibid