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Portrait_de_l’artiste_dans_l'atelier_de_la_résidence_Yishu_8_à_Pékin_Crédit_photo_Viktor_Popov_©ADAGP.tif

Crédit photo Viktor Popov ©ADAGP

  Nous sommes le 10 juin 2024 et le temps reste inextinguiblement incertain. C’est sous un ciel hautement grisonnant que je rejoins Guillaume Talbi dans son atelier d’Ivry-sur-Seine. Accueillie chaleureusement dans sa « caverne », ainsi nomme-t-il ce local provisoire qu’il partage avec une autre artiste dans l’espoir de trouver un jour le « bon espace », je découvre ces quelques mètres carrés qu’il réussit à faire siens. Une large fenêtre projette la vue des toits en brique dont les nouvelles œuvres de Guillaume viennent aspirer les nuances rouges, orangées. L’artiste, une fois de plus, s’adapte, se nourrit, s’immerge dans l’espace présent pour en faire jaillir ses courbes typiques, à la fois molles et rêveuses, brutes et terrestres.

  La création chez Guillaume surgit au cœur d’une famille où l’art se fait présent en fond culturel. Sa passion pour le dessin et la peinture n’échappe pas à ses parents qui l’inscrivent tôt dans divers ateliers de l’école municipale des Beaux-Arts de Châteauroux jusqu’à la fin du secondaire. L’année suivant son baccalauréat, il intègre l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges en 2005, puis celle des Beaux-Arts de Paris en 2008. Cette période ponctuée par un séjour d’étude à la Central Academy of Fine Arts de Pékin lui donne à la fois le goût de l’Asie et de la céramique, si bien qu’il s’envole ensuite plusieurs fois pour le Japon. Il donne forme à ses Fantasmagories et Fleurs courageuses, qui dressent les lignes ascendantes d’un paysage où jaillissement, éclosion et extraction minérale font loi.

Nous sommes le 10 juin 2024 et le temps reste inextinguiblement incertain. C’est sous un ciel hautement grisonnant que je rejoins Guillaume Talbi dans son atelier d’Ivry-sur-Seine. Accueillie chaleureusement dans sa « caverne », ainsi nomme-t-il ce local provisoire qu’il partage avec une autre artiste dans l’espoir de trouver un jour le « bon espace », je découvre ces quelques mètres carrés qu’il réussit à faire siens. Une large fenêtre projette la vue des toits en brique dont les nouvelles œuvres de Guillaume viennent aspirer les nuances rouges, orangées. L’artiste, une fois de plus, s’adapte, se nourrit, s’immerge dans l’espace présent pour en faire jaillir ses courbes typiques, à la fois molles et rêveuses, brutes et terrestres.

La création chez Guillaume surgit au cœur d’une famille où l’art se fait présent en fond culturel. Sa passion pour le dessin et la peinture n’échappe pas à ses parents qui l’inscrivent tôt dans divers ateliers de l’école municipale des Beaux-Arts de Châteauroux jusqu’à la fin du secondaire. L’année suivant son baccalauréat, il intègre l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges en 2005, puis celle des Beaux-Arts de Paris en 2008. Cette période ponctuée par un séjour d’étude à la Central Academy of Fine Arts de Pékin lui donne à la fois le goût de l’Asie et de la céramique, si bien qu’il s’envole ensuite plusieurs fois pour le Japon. Il donne forme à ses Fantasmagories et Fleurs courageuses, qui dressent les lignes ascendantes d’un paysage où jaillissement, éclosion et extraction minérale font loi.

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Crédit photo C.X.N ©ADAGP

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Oui, trouve au cœur des noirs filons
Des fleurs presque pierres, — fameuses ! —
Qui vers leurs durs ovaires blonds
Aient des amygdales gemmeuses !
[1]

  À la lecture de Rimbaud, on ne peut esquiver la vision du bilinguisme floral et minéral – développée par Jean-Pierre Richard [2] – que réfléchit l’œuvre de Talbi. Tous deux ont un penchant pour les rêveries minérales, que ce soit les fleurs qui se transforment en pierre chez Rimbaud ou la pierre en fleurs chez Guillaume. Ces images de double langage sont porteuses d’un mouvement ascensionnel. Le jeune créateur intègre au végétal solide l’idée de courage dans sa série sculpturale de 2024. Les Fleurs courageuses symbolisent la dure épreuve du jaillissement de la forme, que ce soit celle de l’œuvre engendrée par l’artiste ou bien toute forme de vie que la « Nature […] fasse éclore ». Cette esthétique en verticalité où les « garances parfumées » surgissent des tiges de « plantes […] travailleuses »[3] exprime l’effort artistique de l’acte créatif, qui émerge d’un processus de cristallisation.

  Chez Rimbaud, les pétales s’ouvrent en pierres précieuses, abritant « des amygdales gemmeuses ». Chez Talbi, les émaux nippons se cristallisent en magnifiques verts ou turquoises recouvrant une terre cuite dans les hautes flammes tournoyantes du gaz.

À la lecture de Rimbaud, on ne peut esquiver la vision du bilinguisme floral et minéral – développée par Jean-Pierre Richard [2] – que réfléchit l’œuvre de Talbi. Tous deux ont un penchant pour les rêveries minérales, que ce soit les fleurs qui se transforment en pierre chez Rimbaud ou la pierre en fleurs chez Guillaume. Ces images de double langage sont porteuses d’un mouvement ascensionnel. Le jeune créateur intègre au végétal solide l’idée de courage dans sa série sculpturale de 2024. Les Fleurs courageuses symbolisent la dure épreuve du jaillissement de la forme, que ce soit celle de l’œuvre engendrée par l’artiste ou bien toute forme de vie que la « Nature […] fasse éclore ». Cette esthétique en verticalité où les « garances parfumées » surgissent des tiges de « plantes […] travailleuses »[3] exprime l’effort artistique de l’acte créatif, qui émerge d’un processus de cristallisation.

Chez Rimbaud, les pétales s’ouvrent en pierres précieuses, abritant « des amygdales gemmeuses ». Chez Talbi, les émaux nippons se cristallisent en magnifiques verts ou turquoises recouvrant une terre cuite dans les hautes flammes tournoyantes du gaz.

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Crédits photo C.X.N; Jean-François Rogeboz; Philippe Tapissier ©ADAGP

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  C’est alors que s’opère la métamorphose de l’inorganique en éclosion organique. Que ce soit les Fantasmagories du Monde, les Sculptures fraîches ou les Formes de Vie, le minéral ou l’aquarelle épousent le dynamisme de courbes biologiques. Ces silhouettes aux détours arrondis, à la mollesse illisible, souvent mystérieuses, douces et subtiles semblent incarner un moment cellulaire ou ovulaire. À travers ce flot d’expressionisme du vivant qui puise fortement dans l’environnement, on retrouve cette opposition actuelle dans l’architecture entre Box et Blob, emboîtement de géométrie pure et dimensions souplement biomorphiques.[4] 

  « Je suis à la recherche de formes de vie. Mais je pense avoir trouvé un langage qui me correspond, à ma vision de la vie. La nature est extrêmement inventive. L’accident permet de donner un peu de force à mon travail. C’est comme le hasard dans la nature. »[5]

  Les portes de la métamorphose s’ouvrent sur une matière à laquelle Guillaume offre sa propre autonomie. L’artiste recherche les formes aléatoires qui parfois jaillissent ou se dessinent d’elles-mêmes. Il vient les accompagner dans leur évolution en y injectant la force des divers éléments naturels, les flammes du four, l’air soufflé sur les pigments, l’eau dans l’encre, la terre, couche sur couche.

C’est alors que s’opère la métamorphose de l’inorganique en éclosion organique. Que ce soit les Fantasmagories du Monde, les Sculptures fraîches ou les Formes de Vie, le minéral ou l’aquarelle épousent le dynamisme de courbes biologiques. Ces silhouettes aux détours arrondis, à la mollesse illisible, souvent mystérieuses, douces et subtiles semblent incarner un moment cellulaire ou ovulaire. À travers ce flot d’expressionisme du vivant qui puise fortement dans l’environnement, on retrouve cette opposition actuelle dans l’architecture entre Box et Blob, emboîtement de géométrie pure et dimensions souplement biomorphiques.[4] 

« Je suis à la recherche de formes de vie. Mais je pense avoir trouvé un langage qui me correspond, à ma vision de la vie. La nature est extrêmement inventive. L’accident permet de donner un peu de force à mon travail. C’est comme le hasard dans la nature. »[5]

Les portes de la métamorphose s’ouvrent sur une matière à laquelle Guillaume offre sa propre autonomie. L’artiste recherche les formes aléatoires qui parfois jaillissent ou se dessinent d’elles-mêmes. Il vient les accompagner dans leur évolution en y injectant la force des divers éléments naturels, les flammes du four, l’air soufflé sur les pigments, l’eau dans l’encre, la terre, couche sur couche.

  « C’est une histoire de couche mon travail, comme en peinture. »[6]

  En examinant de près ses Sculptures fraîches une belle surprise attend l’observateur. Une couleur fluorescente vient consteller la blancheur pure des silhouettes recouvertes de ciment. C’est méticuleusement qu’il y ajoute des fibres et un relief irrégulier dont l’aspect météorique annonce ses dernières peintures sur papier de 2024. Ce goût pour les détails de surface reflète l’intérêt que porte Guillaume au jeu des matériaux, à leur expérimentation dans un contact direct avec les éléments. Ses nouvelles œuvres picturales approfondissent cette esthétique de l’extraction de la terre vers le cosmique. Comme évoqué précédemment les pigments et gouache choisis, porteurs de tons rouges, renvoient à l’ancrage dans l’espace de l’artiste. Ils sont ainsi réduits à une base marron et des nuances très naturelles aspirant à une atmosphère plus primitive, de même que l’on retourne à l’outil essentiel, celui des mains qui viennent gratter, toucher, modeler la matière et dissoudre la frontière entre peinture et sculpture, entre plat et dimension. Cette forme abstraite répétée de bulbe à filaments enferme en son cœur une sorte de vortex, le noyau spiralé d’une comète qui laisse libre cours à toute interprétation non sans croiser le primitif à l’astral, la terre à l’univers.

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Crédit photo Laetitia Eyiké Vergy ©PointeMag

En examinant de près ses Sculptures fraîches une belle surprise attend l’observateur. Une couleur fluorescente vient consteller la blancheur pure des silhouettes recouvertes de ciment. C’est méticuleusement qu’il y ajoute des fibres et un relief irrégulier dont l’aspect météorique annonce ses dernières peintures sur papier de 2024. Ce goût pour les détails de surface reflète l’intérêt que porte Guillaume au jeu des matériaux, à leur expérimentation dans un contact direct avec les éléments. Ses nouvelles œuvres picturales approfondissent cette esthétique de l’extraction de la terre vers le cosmique. Comme évoqué précédemment les pigments et gouache choisis, porteurs de tons rouges, renvoient à l’ancrage dans l’espace de l’artiste. Ils sont ainsi réduits à une base marron et des nuances très naturelles aspirant à une atmosphère plus primitive, de même que l’on retourne à l’outil essentiel, celui des mains qui viennent gratter, toucher, modeler la matière et dissoudre la frontière entre peinture et sculpture, entre plat et dimension. Cette forme abstraite répétée de bulbe à filaments enferme en son cœur une sorte de vortex, le noyau spiralé d’une comète qui laisse libre cours à toute interprétation non sans croiser le primitif à l’astral, la terre à l’univers.

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Crédit photo Laetitia Eyiké Vergy ©PointeMag

  C’est en cette rentrée 2024 que, profitant d’une échappée estivale en Chine pour travailler sur une nouvelle collection de dessins usant de matériaux locaux, Guillaume nous permettra certainement de suivre bientôt l’évolution de son esthétique si particulière en ce qu’elle nous absorbe dans un monde de curiosités jaillissantes à la recherche d’un espace structurel intemporel entre mollesse aquatique, brutalité terrestre et élan cosmique.

C’est en cette rentrée 2024 que, profitant d’une échappée estivale en Chine pour travailler sur une nouvelle collection de dessins usant de matériaux locaux, Guillaume nous permettra certainement de suivre bientôt l’évolution de son esthétique si particulière en ce qu’elle nous absorbe dans un monde de curiosités jaillissantes à la recherche d’un espace structurel intemporel entre mollesse aquatique, brutalité terrestre et élan cosmique.

Crédit photo Laetitia Eyiké Vergy ©PointeMag

[1] Arthur Rimbaud, « Ce qu’on dit au poète à propos des fleurs », 14 juillet 1871

[2] Voir « Rimbaud ou la poésie du devenir », Poésie et profondeur, Jean-Pierre Richard, Seuil, 1955

[3] « Ce qu’on dit au poète à propos des fleurs »…

[4] « L’aspect biomorphe est surtout considéré comme relevant de la sculpture, car celle-ci aurait largement emprunté aux modèles de l’environnement vivant. » Voir « La Place de la Sculpture », Markus Brüderlin, Rue Descartes 2011/1 (n°71), Collège International de Philosophie, p. 36-52

[5] Entretien avec Guillaume Talbi, propos recueillis par Laetitia Eyiké Vergy le 10 juin 2024 à La Fabrique d’Ivry-sur-Seine

[6] Idem

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